A la Fête de L’Humanité, Fabien Roussel a réussi le double exploit de « faire le buzz » et de liguer contre lui tous les membres de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), y compris ceux issus de son propre camp. La sortie du secrétaire national du Parti communiste français (PCF) sur « la gauche du travail » face à « la gauche des allocations [et] des minima sociaux » aura alimenté la chronique tout le week-end, à Brétigny-sur-Orge (Essonne), et suscité un vent de réactions hostiles.
Samedi 10 septembre, Jean-Luc Mélenchon s’est démarqué du leader communiste, en renvoyant le statut d’assisté aux grandes entreprises qui ont touché « 140 milliards d’euros » durant la crise sanitaire. « L’assistanat, c’est eux », a-t-il lancé lors de son discours, rappelant sa volonté de « taxer les superprofits ». Quelques heures plus tard, Mathilde Panot décochait avec « fraternité » sa flèche contre Fabien Roussel. « Nous ne pouvons combattre ni les libéraux ni l’extrême droite en reprenant leurs mots », lançait la députée de La France insoumise (LFI), immédiatement ovationnée.
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« Assistanat », que vient faire ce mot ancré à droite et à l’extrême droite dans la rentrée des communistes et de la gauche en général ? « Il y a le constat évident auquel tout le monde est confronté : le RN [Rassemblement national] s’implante chez les ouvriers, détaille l’historien du PCF, Roger Martelli. Cette catégorie a le sentiment d’être méprisée. C’est une population tentée par l’idée qu’on est dans une société d’assistance. » Un paradoxe en forme de drame pour un parti, qui, historiquement, était celui de la classe ouvrière.
A gauche, deux députés parlent « assistanat » ; ils ont fait campagne contre le RN dans des circonscriptions du nord de la France, anciens bassins miniers : Fabien Roussel et François Ruffin. Toutefois, le second s’est désolidarisé du premier. « Opposer la France qui bosse à la France des allocs, ce ne sont pas mes mots », a réagi le député de la Somme sur Twitter.
Un sésame
Si la manière d’exprimer ce thème diffère sur le fond, leur analyse a de nombreux points communs. « De “parti des salariés”, nous voilà, dans l’esprit commun, le “parti des assistés” », écrit ainsi François Ruffin dans son dernier livre, Je vous écris du front de la Somme (Les Liens qui libèrent, 144 pages, 10 euros). L’« assistanat » devient le sésame pour accéder à la grille de lecture du monde des électeurs du RN. Le sociologue Olivier Schwartz a notamment théorisé cette nouvelle conscience sociale dite « triangulaire », dans son texte intitulé « Vivons-nous encore dans une société de classes ? » : pour les classes populaires, « le sentiment d’être non pas seulement soumis à une pression venant du haut, mais aussi à une pression venant du bas, venant de plus bas qu’eux ». Le nouveau monde ouvrier, plutôt que de se résumer à l’opposition entre riches et pauvres, inclurait désormais les plus pauvres que soi, les « assistés » et les « cas soc’ », perçus avec ressentiment par les travailleurs pauvres ne touchant pas d’aide de l’Etat. Il vous reste 50.88% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.