La pollution de l’air liée aux particules fines provoque chaque année plus de 250 000 décès par cancer du poumon dans le monde. Et ce, même chez les personnes qui n’ont jamais fumé. Le résultat était connu, mais l’explication causale manquait. Par quels mécanismes fonctionnent ces particules fines ? La réponse a été révélée samedi 10 septembre lors de la conférence annuelle de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO) qui s’est tenue à Paris. “Cette étude met en lumière un modèle original de développement du cancer”, commente Suzette Delaloge, oncologue médicale, directrice du programme de prévention personnalisée des cancers à l’Institut Gustave Roussy de Villejuif, qui n’a pas participé à ces travaux. Dans le modèle classique, une toxine (comme la fumée de cigarette) déclenche des mutations qui, une fois accumulées, suffisent à déclencher un cancer. Mais ce n’est pas le cas ici : « Vous avez besoin d’une étape supplémentaire, qui est l’inflammation. Les particules fines créent ce processus inflammatoire, qui déclenche la transformation tumorale de certaines cellules seulement des voies respiratoires, celles qui portent des mutations dangereuses. A lire aussi : Article destiné à nos abonnés La pollution est responsable de 9 millions de morts chaque année dans le monde
Les particules fines présentes dans les gaz d’échappement des véhicules à moteur et les fumées provenant de la combustion de combustibles fossiles sont invisibles à l’œil nu. Leur diamètre est inférieur ou égal à 2,5 micromètres – d’où le nom « PM2,5 » – soit 20 à 30 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu humain. « Du fait de cette petite taille, ils pénètrent très loin dans les voies respiratoires, notamment les poumons », souligne Suzette Delaloge. Ces PM2,5 sont responsables d’environ 14 % de tous les décès par cancer du poumon. Le tabac, en revanche, est à lui seul responsable d’environ 63 % de ces décès.

Proportion et augmentation

En 2009, une étude américaine estimait que 10 à 15 % des cancers du poumon surviennent chez des non-fumeurs, mais « ce pourcentage est en augmentation », soulignait le professeur Charles Swanton, du Francis Crick Institute et de l’University College London (Royaume-Uni). lors d’une conférence de presse à l’ESMO. Menée par ce chercheur de renom, cette étude puise sa force dans une combinaison d’approches et de techniques, allant de l’épidémiologie à la biologie cellulaire et moléculaire, en passant par des modèles animaux et humains. Premièrement, l’épidémiologie confirme la corrélation entre l’augmentation des concentrations de PM2,5 et le risque de divers cancers. Les auteurs ont analysé les données de 463 679 personnes vivant en Angleterre, en Corée du Sud et à Taïwan. En croisant les données individuelles d’exposition aux PM2,5 – selon l’endroit où vous vivez – et les données de santé individuelles, ils constatent que le risque de cancer du poumon augmente de 16 % pour chaque augmentation de 1 microgramme par mètre cube d’air (1 mg/m3) en PM2 ,5. Mais tous les systèmes aérodigestifs sont concernés. Le risque augmente de 15 % pour le cancer des lèvres, de la cavité buccale et du pharynx, de 26 % pour le cancer du larynx, de 30 % pour le cancer de l’intestin grêle et de 23 % pour le cancer de l’anus. Plus surprenant car sans lien avec les voies aérodigestives, il augmente de 19 % pour le glioblastome multiple, un cancer du système nerveux central. Il vous reste 55,62% de cet article à lire. Ce qui suit est réservé aux abonnés.