D’un côté, la Banque d’Angleterre, de l’autre la Mansion House, la résidence du Lord Maire de la ville. Entre les deux, sous la statue de Wellington, des gardes en (faux) bonnets de fourrure d’ours attirent l’attention. La proclamation est lue, par le curieusement nommé « Clarenceux King of Arms » (un officier du palais), devant la petite foule qui s’est rassemblée en silence de part et d’autre de la place. “Merci à Dieu tout-puissant d’appeler à sa merci notre défunte souveraine la reine Elizabeth II…” Le prince Charles Philip Arthur George devient officiellement le roi Charles III. Mais pourquoi faire ça dans la City ? Cette institution est au cœur de l’arrangement constitutionnel britannique depuis un millénaire. Lorsque Guillaume le Conquérant envahit l’Angleterre en 1066, il arrive à Londres et passe un marché : la ville (c’est-à-dire toute la ville à l’époque) le reconnaît, finance ses guerres, et en retour conserve le droit de commercer. . Mille ans plus tard, le souverain est toujours incapable d’entrer dans la ville sans demander l’autorisation du lord-maire. La ville a également un officier au Parlement, avec le titre de Remembrancer, qui est en fait un lobbyiste pour le quartier des affaires. Le Lord Mayor reçoit le Premier ministre une fois par an pour un banquet, pour un important discours de politique étrangère. Il fait de même avec le ministre des Finances pour un discours économique. Marcus Walker est le prêtre anglican de St Bartholomew the Great, une église qui date de 1123. Il est venu en soutane pour assister à la proclamation et rappelle que « historiquement, aucun roi n’a survécu sans le soutien de la Ville ». Il rappelle le précédent du conflit de la Couronne entre Stephen et Mathilda au XIIe siècle, où le premier a prévalu grâce au soutien de l’argent du centre historique. Idem au XVIe siècle, lorsque le révolutionnaire Cromwell arrive au pouvoir avec l’aide de la City. “Encore aujourd’hui, la Ville est au centre de la puissance économique de notre nation”, poursuit le prêtre. Tout cela est enveloppé de grandeur et les traditions sont préservées avec autant d’ironie que de sérieux. John May est venu sur les lieux avec son grand collier de cérémonie de la Worshipful Company of Paviors, le commerce des “contrefacteurs”. « Traditionnellement, nous étions responsables de la pose des pavés et de l’entretien des rues de la Ville. Aujourd’hui, cette profession – il en existe des dizaines de semblables dans la Ville – s’unit dans le but de recueillir des fonds pour des organismes de bienfaisance, ainsi que du réseautage et du lobbying. “Il est impossible d’avoir de l’influence ici sans faire partie de ces groupes et donc être actif dans des associations caritatives”, explique Markus Walker. God Save the King, la foule a chanté avec ferveur. “Et la Ville”, ont dû penser en silence les officiels présents à la cérémonie. Marcus Walker, prêtre anglican de St Bartholomew the Great, une église datant de 1123, est venu en soutane pour assister à la proclamation du roi Charles III. Il rappelle qu’« historiquement, aucun roi n’a survécu sans le soutien de la Ville ». Eric Albert (Londres, courrier)