Ils se sont vus anéantis et sont rentrés chez eux. « Nous étions chauds ! demande Amath Mbaye avec soulagement. Douze secondes après le début du match, l’équipe de France de basket menait de deux points et voyait le Turc Cedi Osman se diriger vers la ligne des lancers francs pour deux tirs. Avant les italiques pour la Turquie. “On n’avait plus les cartes en main, confirme l’entraîneur Vincent Collet. Mais c’est du basket… tout peut arriver.” Les lois du sport peuvent être dures. Samedi 10 septembre, ils ont privilégié les Bleus sur le fil. Les deux lancers francs ? Sans réponse. Le lieu? Il a été intercepté. Un dunk de Pivot Rudy Gobert avec… 2,7 secondes à jouer dans le temps réglementaire pour égaliser, puis une prolongation maîtrisée dans les coulisses a permis aux Français d’échapper au piège turc, en 8e de finale de l’Euro 2022 (87-86 après prolongations) . Rudy GOBERT !!! #EuroBasket x #BringTheNoise 📺 https://t.co/CBTWuYNBt6 – EuroBasket (@#EuroBasket 2022)
“Parfois, des miracles se produisent et c’était un miracle contre nous. On méritait de gagner”, note l’entraîneur turc agacé, Ergin Ataman, après “probablement sa pire défaite [ses] 26 ans de carrière. » Avant de dérailler dans les douze dernières secondes, le plan “Turkish Wizard” – le qualificatif utilisé par son homologue français la veille – avait magnifiquement fonctionné, malgré le début de course favorable des Bleus. “On a l’impression de survivre à un match qu’on aurait dû perdre”, admet le capitaine tricolore Evan Fournier. De retour des enfers, son équipe poursuit son parcours dans la compétition. Mais sa tendance à produire des matchs déséquilibrés n’est pas rassurante alors que les redoutables Serbes se qualifient pour les quarts de finale – s’ils battent l’Italie dimanche. Lire aussi Euro 2022 de basket : un Luka Doncic pétillant et la Slovénie repoussent la France

Pris dans la “toile d’araignée” turque

Cependant, l’équipe de France a été prévenue. Arrivés à Berlin, où se déroule l’ultime étape de la compétition continentale, après être sortis d’un groupe B très difficile, les Français savaient qu’”un nouveau tournoi commençait”, comme l’avait tiré vendredi Vincent Collet. Premiers à aborder la phase finale de l’Euro, à une heure inhabituelle (12h), les Olympiens de Tokyo savaient qu’ils devaient être à l’heure. Appliqués en défense, déplaçant bien le ballon en attaque, Rudy Gobert et ses partenaires n’ont pas raté leur entrée en scène, creusant rapidement un premier écart. “Bring the noise”, familiers des kakémonas installés de part et d’autre de la capitale allemande. “Faites du bruit”, telle est la devise de la compétition, que les Bleus s’attendaient à voir appliquée à la lettre par les supporters de l’opposition, boostés par la forte diaspora turque à Berlin. “Ils joueront à domicile. A chaque fois que nous venions jouer en Allemagne, il y avait plus de Turcs que d’Allemands”, a déclaré vendredi le capitaine tricolore Thomas Hertel, qui a joué à l’Anadolu Efes Istanbul entre 2014 et 2017. Alors qu’ils avaient eux aussi du mal à s’adapter au calendrier du début de match, les supporters turcs ont réagi lorsque leur équipe a commencé à rattraper son retard au troisième quart. Car les Bleus n’ont pas réussi à maintenir leur niveau de compétition en ce début de match. “Il va falloir être clair sur leur défense, qui est assez solide”, attendait Vincent Collet vendredi. Ils essaient de tisser une toile d’araignée. Précisant que le « point faible » de son équipe depuis le début de la compétition – les balles perdues – pourrait bien faire tomber les Bleus dans le piège turc : « Il faudra être prudent et patient pour ne pas gaspiller de munitions. »

“Nous sommes toujours en vie”

Ses troupes, cependant, se sont précipitées directement dans les fils fixés par les joueurs du Bosphore. “On a contrôlé le match dès le début et on l’a laissé filer dans le troisième quart-temps”, s’inquiète Thomas Heurtel. Ce n’est pas possible. Moins astucieux en attaque et en défense, les Bleus ont vu la Turquie visée. “Ils s’ajustaient et il nous a fallu quelques minutes pour comprendre que ça y est, les coups partaient”, admet Evan Fournier. Dans l’ensemble, les Français estiment s’être mis en difficulté, voyant les Turcs défier 19-0 à leur retour des vestiaires, enflammés par le jeu Bugrahan Tuncer (22 points, donc 6/10 sur 3-points). Menés, et au bord de la convulsion après cet effondrement, les Bleus ont réussi à s’accrocher. “Au moins, nous sommes persistants”, déclare le puissant ailier Amath Bayeh. En fin de match, Rudy Gobert a servi de pierre angulaire aux Bleus, engloutissant les rebonds et revigorant son équipe. «Rudy nous donne un jeu de boss à la fin du match. Dès qu’il y a un tir, c’est lui qui prend le rebond, même sur le tir pour égaliser, c’est son dunk tap qui nous permet d’aller en prolongation”, se félicite Evan Fournier. Avec vingt points et dix-sept rebonds (un nouveau record pour l’équipe de France), le futur axe des Minnesota Timberwolves a signé une performance importante. À lire aussi Euro de basket 2022 : des Bleus renouvelés, aux ambitions intactes
Il préfère souligner ses erreurs. “C’est bien, mais je sais que je peux faire beaucoup mieux”, a déclaré le pivot tricolore, “pas vraiment content” de sa course. “J’ai raté trop de lancers francs et j’aurais dû terminer d’autres jeux qui nous auraient permis d’éviter les prolongations. Manquant deux lancers francs en fin de prolongation, il a exposé ses coéquipiers à une surprise turque. “Maintenant, il n’y a plus de calcul, il faut gagner ou c’est fini”, a prévenu Vincent Collet vendredi. Même avec le chas de l’aiguille, son équipe a réussi à sortir victorieuse d’un “jeu fou” que Rudy Gobert a renversé, et reste en lice. “On est vivants, on a encore des matches à jouer et ça fait plaisir car je ne voulais pas rentrer chez moi”, conclut Amath Mbaye. Si la médaille d’or, l’objectif affiché en début de campagne, reste à portée de main, les Bleus savent qu’ils devront montrer un tout autre visage pour espérer passer les quarts de finale. Lire aussi : Basket : un euro à un niveau rarement aussi élevé
Clément Martel (Berlin, Allemagne, envoyé spécial)