Posté à 12h00
André Duchesne La Presse
A la vitrine des accords de Paris
Le consensus scientifique montre que la température actuelle est supérieure de 1,1 degrés Celsius à celle de l’ère préindustrielle. Les accords de Paris visent à limiter l’augmentation du réchauffement climatique à 1,5°C, avec une limite supérieure à 2°C. Cependant, l’article de Science révèle qu’une fois qu’elle atteint 1,5 °C, ou avant que la marge d’erreur ne soit prise en compte, la planète pourrait atteindre cinq points de basculement de perturbation climatique irréversible. “Notre évaluation fournit des preuves scientifiques solides pour cibler une action urgente dans l’espoir d’atténuer ces changements”, conclut le résumé scientifique.
Les cinq points les plus proches…
Les cinq perturbations climatiques susceptibles de se produire avec un réchauffement de 1,5 degré sont la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, la fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental, la mort des coraux tropicaux, le dégel du pergélisol nord et la perte de glace de mer dans le Mer de Barents. Ces changements ne seront pas instantanés. Ils se dérouleront sur une période de quelques années à quelques centaines d’années. Par exemple, on estime qu’une fois commencé, le dégel du pergélisol durera en moyenne 50 ans, et la fonte de la calotte glaciaire du Groenland durera 10 000 ans.
Ah ! C’est donc loin !
PHOTO AVEC LA COURTOISIE DE L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS Chercheur Jérôme Dupras Pas du tout ! C’est demain! « C’est très court à l’échelle biogéochimique, explique Jérôme Dupras, professeur à l’Université du Québec en Outaouais et titulaire de la Chaire de recherche en économie écologique. “Prenez l’extinction des dinosaures. Elle est due à la chute d’une météorite qui a également perturbé la biodiversité terrestre pendant deux millions d’années. Cependant, la hausse de 1,1 degré Celsius depuis l’ère préindustrielle remonte à environ 150 ans et nous avons constaté des changements climatiques importants. La vitesse de ces changements évolue à une vitesse étonnante. »
Neuf autres points de basculement
PHOTO MAURO PIMENTEL, ARCHIVES FRANCE-PRESSE Zone déboisée de la forêt amazonienne à Lábrea, septembre 2021 L’étude scientifique identifie un total de 16 points de basculement, neuf mondiaux et sept régionaux. Aux cas évoqués ci-dessus s’ajoutent ainsi la fonte des glaciers, la perte de la forêt amazonienne, l’effondrement du courant océanique (AMOC) qui agit comme un thermostat pour la planète, le recul vers le nord de la forêt boréale, la fin des moussons (anticipées) au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Ces points de basculement ne se produiront pas tous en même temps. On estime, par exemple, que quatre d’entre eux se produiront à 4°C de réchauffement (avec une marge d’erreur). Mais il n’y a pas de quoi être soulagé. “Il y a dix ans, on estimait que ces points de bascule se produiraient sur une Terre plus chaude de 3°C”, se souvient Jérôme Dupras. En 2019, une nouvelle étude publiée dans Science a estimé que neuf points de bascule sont susceptibles de se déclencher à 1,5 °C. Et maintenant, cette nouvelle étude nous apprend que cinq d’entre eux sont déjà enfermés dans une planète à 1,1°C. »
Cela affecte le maître
PHOTO DE MAXIM SHEMETOV, DOSSIER REUTERS Une maison dans le village de la République de Sakha, en Russie, où le pergélisol s’est partiellement effondré. Le dégel du pergélisol entraînerait la libération de quantités astronomiques de méthane et de CO2, créant ainsi de nombreux GES dans l’atmosphère. Le déclenchement de points de basculement est d’autant plus préoccupant qu’il peut avoir un effet domino. «Globalement, on peut s’emballer», constate Dominique Gravel, professeure au département de biologie de l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie intégrative. « On active le premier point de basculement qui augmente la chauffe ce qui fait cascader le deuxième, le troisième et les autres. L’exemple de la fonte du pergélisol est, à cet égard, à la fois instructif et alarmant. “Si le pergélisol commence à fondre, il libérera de très grandes quantités de méthane et de CO2 qui seront stockés dans le sol”, explique M. Gravel. Et cette rétroaction sera permanente, même si nous devenons neutres en carbone. La fonte du pergélisol se poursuivra et libérera de nouveaux gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère qui maintiendront la hausse des températures. » Avec Science, The Guardian et Le Monde