La mort de la reine fait automatiquement du prince Charles le nouveau souverain du Canada et n’exige aucune action particulière de la part du gouvernement canadien. Cela dit, ce changement de règne entraînera des changements qui pourraient même se manifester dans le portefeuille des Canadiens. En effet, quel impact la mort de la reine aura-t-elle sur la devise canadienne ? Pour l’instant, toutes les pièces à l’effigie d’Elizabeth II ont cours légal et resteront en circulation indéfiniment, confirme la Monnaie royale canadienne. Il en va de même pour le billet de 20 $, qui est fait de polymère et présente le portrait de la reine. «Nous modifierons les futures pièces en fonction de la décision et du calendrier du gouvernement, qui reste à déterminer. » — Une citation d’AReeves, directeur principal des affaires publiques à la Monnaie royale canadienne Billet canadien de 20 dollars. Photo : La Presse canadienne/JONATHAN HAYWARD
Un choix politique à faire
À l’avenir, la décision d’inclure ou non l’image de Charles III sur les pièces et les billets de banque appartient au gouvernement canadien. Comme l’explique Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval, ce n’est pas obligatoire […] c’est un choix politique non dicté par la Constitution. Charles III est théoriquement chef d’État de plus de dix pays du Commonwealth, dont le Canada et l’Australie. Au Canada, elle est représentée par la gouverneure générale, Mary Simon. C’est donc au gouvernement [de Justin ] Trudeau décidera dans quelle mesure il veut, avec ce nouveau chef de l’État, jouer avec le vocabulaire, la langue et les symboles royaux ou monarchiques, poursuit Patrick Taillon. Philippe Lagassé, professeur agrégé et expert du système parlementaire de Westminster à l’Université Carleton, se dit pas du tout convaincu qu’Ottawa imprimera de nouveaux billets de 20 $ et frappera de nouvelles pièces à l’effigie du nouveau souverain. À une époque où les débats sur l’égalité et la diversité sont omniprésents, les responsables ne décideront pas automatiquement de mettre un septuagénaire britannique sur l’argent, dit-il. Je ne crois pas que ce soit automatique comme le croient et l’espèrent certains monarchistes, poursuit Philippe Lagassé. Cela dit, il n’est pas impossible d’avoir l’image de Charles III sur les pièces et les billets, car il est difficile de choisir qui pourrait être mis à sa place, conclut M. Taillon. En février 2022, Postes Canada a émis un timbre représentant la reine Elizabeth II pour célébrer son jubilé de platine. Photo : Société canadienne des postes Lorsque la reine Elizabeth II a célébré son jubilé de platine en février dernier, Postes Canada a dévoilé un timbre commémoratif en son honneur. Ce timbre, et environ 70 autres produits par la Crown Company en l’honneur du souverain britannique, continueront probablement d’être utilisés comme affranchissement légal. Au niveau fédéral, on reste très attaché à la tradition, note Patrick Taillon, qui n’écarte pas la possibilité de changements au Canada avec ce changement de règne et ce nouveau chef d’État. C’est peut-être l’occasion de le revoir, dit-il, car la marque de fabrique de la monarchie au Canada est d’être légalement omniprésente mais politiquement invisible. Chez nous, au nom de Sa Majesté la Reine, les procureurs poursuivent les affaires pénales. Par contre, au Québec, cela a changé : Depuis la Révolution tranquille, on continue de vivre en monarchie parce que c’est au cœur de notre système judiciaire, rappelle le professeur de l’Université Laval. Vous ne pouvez adopter aucune loi sans la sanction royale. Mais, si je puis dire, nous avons couvert tous les symboles, nous les avons un peu démocratisés avec des synonymes. « Dans les lois du Québec, chaque fois qu’il y avait le mot couronne, ou roi, ou reine, il était remplacé par l’État, qui est un peu synonyme. » — Une citation de Patrick Taillon, professeur de droit constitutionnel à l’Université Laval Les bâtiments et les sceaux officiels sont ornés des armoiries royales du Canada, de nombreux musées et institutions portent le titre de sociétés d’État, les passeports délivrés au Canada attestent de l’autorité de la reine sur la couverture arrière et les navires de la Marine royale canadienne portent tous un nom avec le préfixe NCSM (Navire canadien de Sa Majesté). Au fil du temps, selon le site Web du gouvernement du Canada, l’effigie ou le portrait du nouveau monarque sera intégré à une gamme de documents officiels et utilisé dans des services, des cérémonies et des activités qui reflètent la Couronne au Canada. De nouveaux Canadiens participent à une cérémonie de citoyenneté. Photo : CBC/Stephen Lubig
Vivez votre monarchie à votre façon
C’est au roi Charles III, et non à la reine, que les nouveaux Canadiens prêteront allégeance lors de leur cérémonie de citoyenneté. Par contre, tant les députés de la Chambre des communes que les sénateurs n’auront pas à prêter à nouveau le serment. La reine Elizabeth II a parrainé des organismes de bienfaisance et des organisations, dont la Société canadienne du cancer, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, l’Institut royal d’architecture du Canada ou l’Association des infirmières et infirmiers du Canada. Ce dernier peut demander au Bureau du Secrétaire du Gouverneur général de leur octroyer désormais un autre membre de la famille royale. Vendredi, depuis le palais de Buckingham, le roi Charles III a prononcé son premier discours dans lequel il s’est engagé, en tant que monarque, à servir le peuple britannique pour le reste de sa vie. Charles, qui doit être officiellement couronné roi samedi, s’est également adressé à ses concitoyens, dont 38 millions de Canadiens. «Où que vous viviez au Royaume-Uni ou dans des régions et des régions de ce vaste monde, et quel que soit votre parcours personnel et professionnel, je m’engage à vous servir avec amour et respect. […]. » — Extrait de Extrait du premier discours de Charles III Reste à savoir quel genre de roi Charles III sera. Lui qui n’était qu’un bambin lorsque sa mère fut couronnée reine devra faire face à de nombreux défis, dont celui de réaffirmer, au XXIe siècle, la pertinence de la monarchie. Quant au Canada, l’avenir dira comment il choisira d’incorporer l’image de ce nouveau monarque et d’autres symboles qui lui sont associés. A quel point voulons-nous jouer avec cette visibilité, au moins sur les symboles ? demande Patrick Taillon. Ça, on a beaucoup de marge de manœuvre et c’est au Canada de vivre sa monarchie à sa façon. Avec les informations de Mélissa François